A Montagnac (30), sur les traces de la Perdrix rouge
L’Amicale des chasseurs de petit gibier de Montagnac présente sur le terrain la mise en oeuvre d'un programme scientifique de réintroduction d'une espèce cynégétique
Samedi 28 septembre à 13h30, une quinzaine de personnes, adultes et enfants, rejoignaient Jacques Roux, président de l’Amicale des chasseurs de petit gibier de Montagnac, au cœur du bois des Lens, sur la commune de Montagnac. Enfants et adultes se sont glissés dans ses pas pour découvrir, sur un parcours de quelques kilomètres, comment cette association développe, dans le cadre d’un projet nommé Gib'Adapt, des travaux de réadaptation et de réintroduction de la Perdrix rouge (Alectoris rufa) sur le territoire des garrigues de la commune.
Comme beaucoup d’oiseaux et de mammifères, autrefois abondants et chassés souvent sans compter, la Perdrix rouge a vu ses populations régresser depuis le xixe siècle. Le morcellement des habitats, et la fermeture des milieux liée à la fin du pastoralisme, s'ajoutant parfois à une chasse excessive (ce qui n’a pas été le cas dans le bois des Lens semble-t-il) ont conduit à sa disparition, dans de nombreux territoires de son aire naturelle, à la fin des années soixante-dix.
Afin de multiplier la présence de cette espèce dans le milieu naturel, des repeuplements ont alors été effectués de manière maladroite et la perdrix rouge a parfois été croisée dans des élevages avec la Perdrix Choukar, qui est une espèce exotique, avant d'être réintroduite dans le milieu naturel. Mais cette réintroduction s’est révélée difficile, voire inefficace, l’instinct de ces animaux s'étant perdu, et les milieux n’ayant pas évolué favorablement.
En 2018, un programme scientifique pilote, nommé GibAdapt, visant à optimiser cette réintroduction, a été mis en oeuvre sur plusieurs sites en France, dont le site de Montagnac. C'est donc dans ce cadre que travaille l’Amicale des chasseurs de petit gibier de Montagnac sur une période de trois ans.
La Perdrix rouge, cousine de la Perdrix bartavelle chère à Marcel Pagnol, est très craintive et donc assez difficilement observable. Elle ne peut vivre que dans des milieux naturels bien préservés et riches en biodiversité : il lui faut en effet, pour son alimentation, des insectes dans sa phase de développement, puis un régime à base de graines diversifiées. Tout le challenge visant à réintroduire cette espèce consiste à la fois à faire des sélections génétiques judicieuses, à aider les individus à retrouver leur instinct perdu et à recréer les conditions écologiques favorables pour leur vie, de la ponte à l’âge de la reproduction. Et en écoutant Jacques Roux, on comprend que ce n'est pas une mince affaire !
Ce travail de résilience nécessite en effet une présence quasi quotidienne pour le suivi, le nourrissage et l’abreuvage des perdrix qui sont tout d'abord maintenues à l'abri dans des enclos couverts de filets et protégés dans leur partie basse par des brise-vue. chaque oiseau est équipé d’un dispositif électronique qui permet son suivi sur le terrain, ce qui permet de savoir si l’oiseau est vivant, s’il se nourrit, si une femelle est à la ponte… Le début du programme a malheureusement conduit au constat que la plupart des oiseaux relâchés étaient incapables de survivre dans le milieu naturel. Les méthodes d'adaptation ont donc été réévaluées et modifiées pour conduire peu à peu à une mortalité moindre… Pour autant que des personnes inconscientes n’ouvrent pas les portes des espaces où les jeunes perdrix sont à l’abri en attendant que leur capacité adaptation à la liberté soit optimisée, ce qui demande une démarche d’éducation !
Différentes expériences ont été menées pour améliorer l’instinct des oiseaux vis-à-vis des prédateurs notamment, en les mettant en contact dès la ponte avec des enregistrements de cris de rapaces et de renards, par exemple. Puis peu à peu les oiseaux ont a possibilité de sortir de leur environnement très protégés pour aller se nourrir à un agrainoir et se désaltérer à un abreuvoir proches.
Mais cette liberté nouvelle s’accompagne souvent encore de pertes importantes. Il faut alors à nouveau en comprendre la raison et trouver de nouvelles astuces pour éviter cette mortalité. Une fois que les perdrix ont ainsi repris pied dans le milieu naturel, elles vont peu à peu être remises en liberté dans des champs cultivés en blé, orge, luzerne, mélilot, etc. qui, ici et là, émaillent le paysage de la garrigue de Montagnac. Elles doivent alors apprendre à se nourrir seules et il n’est pas facile pour elles de trouver suffisamment d’insectes dans cette espace où pâture, en hiver et au printemps, un troupeau de taureaux de Camargue. Car de ce fait, la végétation est rase, ce qui constitue un élément important de la lutte contre l’incendie, certes, mais offre un habitat médiocre pour l’entomofaune.
Les participants à cette balade, au-delà des a priori que l’on peut avoir sur la chasse, quand on ne chasse pas, ont découvert une démarche scientifique très complexe, peu assurée de déboucher sur un résultat positif, qui montre la difficulté de retrouver dans la nature des équilibres mis en péril par les activités humaines. Ils ont aussi compris toute l'énergie, la passion et l'abnégation que prodiguent à ces oiseaux les bénévoles de l’Amicale des chasseurs de petit gibier de Montagnac.
Et en cadeau, tout au long du chemin, Monsieur Roux, qui connaît ce territoire mieux que sa poche, leur a permis d’identifier les traces ici d'un renard, là d'une fouine, d'une perdrix ou d'un sanglier, de trouver là encore des crottes de lapin, de lièvre ou de chevreuil et un terrier prédaté de lapin. Les plus attentifs auront vu passer furtivement une colonie de perdreaux et un lapin de garenne. Une faune qui permet de retrouver sur ce site des prédateurs tel que l’Aigle de Bonnelli observé régulièrement sur cette zone.
Cette sortie, qui fait partie d’une programme de découverte du bois des Lens pour le grand public, a été l'occasion d'établir un dialogue amical et très enrichissant entre les membres de deux associations membres du Collectif d’associations pour la défense du bois des Lens qui ont peu coutume d’échanger sur le terrain. Un moment sans doute inoubliable pour les enfants, qui sont repartis avec quelques crottes de lapin et de lièvre en guise de trésor, et, pour les adultes, une rencontre très instructive.
Cette balade naturaliste Initialement prévue en mai, et reportée pour cause de pluie, s’inscrit dans le cadre de l’action « À la découverte du bois des Lens », organisée par l’association l’Œil Vert en partenariat avec le Collectif d’associations pour la défense du bois des Lens. « À la découverte du bois des Lens » bénéficie du soutien du Conseil Départemental du Gard et de l’Europe, au titre du programme LEADER du GAL de Garrigues en Costières de Nîmes.